08/03/2025
"J'emporterai le feu" de Leïla Slimani
Leïla Slimani, célèbre écrivaine franco-marocaine maintes fois récompensée (notamment par le prestigieux Prix Goncourt), revient avec le dernier tome de sa trilogie Dans le pays des autres, intitulé J’emporterai le feu. Ce roman poursuit l’histoire de la famille d’Amin et Mathilde, en se concentrant cette fois sur leur fille Aïcha, son mari Mehdi et leurs enfants Mia et Inès. L’intrigue couvre une vaste période temporelle – de la naissance d’Inès, à l’adolescence tumultueuse de Mia, jusqu’à la mort d’Amin et l’accusation injustifiée de corruption visant Mehdi.
Il est impossible de ne pas relever les similitudes entre la biographie de Slimani et les événements décrits dans le roman – la frontière entre réalité et fiction semble ici particulièrement ténue. Le lecteur ne peut s’empêcher de se demander ce qui est réellement inspiré de la vie de l’auteure et ce qui relève de son imagination littéraire.
La plus grande force du roman réside sans aucun doute dans la construction psychologique de ses personnages. Que ce soit grâce à l’inspiration autobiographique de Slimani ou à son indéniable talent d’écrivaine, chaque personnage est d’une profondeur rare. Avec leurs failles, leurs pensées et leurs tourments intérieurs, ils dépassent le simple cadre de la fiction pour devenir presque palpables, rendant la lecture captivante.
Le titre de la trilogie Dans le pays des autres n’a rien d’anodin. Les personnages évoluent à la croisée de deux cultures – Aïcha, Mia et Inès oscillent entre leur héritage français et marocain, Mehdi et Fatima sont en décalage avec la réalité conservatrice du Maroc, tandis que d’autres doivent affronter les défis de l’intégration dans un nouveau pays. Slimani aborde ainsi un sujet peu traité en littérature : l’exil intérieur, le sentiment d’étrangeté et l’absence d’appartenance nationale.
Le seul bémol du roman réside dans sa structure narrative. L’histoire débute avec une narration à la première personne de Mia adulte, écrivaine francophone souffrant du long COVID. Après quelques pages, nous basculons à Rabat avec un narrateur omniscient focalisé sur la carrière de Mehdi, avant de revenir, dans les dernières pages, à la voix de Mia visitant la ferme abandonnée de ses grands-parents. Si l’on comprend que l’ensemble du récit est censé être raconté par Mia, la présence d’un narrateur omniscient au centre du roman crée une légère incohérence.
Malgré cette petite faiblesse, J’emporterai le feu est un livre incontournable et, à ce jour, le meilleur roman que j’ai lu en 2025.