15/06/2025

"La Végétarienne" de Han Kang : Entre chair et esprit

The Vegeterian

Comme chaque année, l’Académie suédoise a rendu son verdict tant attendu, guetté avec impatience par les amoureux des livres du monde entier. Cette fois-ci, le jury a décerné le prix Nobel de littérature à Han Kang, braquant les projecteurs sur une écrivaine encore peu connue du grand public. Comme beaucoup de lecteurs, je me suis précipité en librairie, j’ai feuilleté les titres disponibles de cette toute nouvelle lauréate et me suis retrouvé face à un dilemme : par lequel de ses romans commencer ? Incapable de choisir, j’en ai acheté trois : "Le vent se lève, Pars", "Impossibles adieux" et "La Végétarienne". Une recherche rapide en ligne m’a aidé à choisir "La Végétarienne" comme première incursion dans son univers.

Ce roman, salué par la critique et récompensé par le Man Booker International Prize en 2016, raconte l’histoire de Yeong-hye, une femme hantée par des cauchemars obscurs qui décide soudainement de ne plus manger de viande – un choix qui, dans une société conservatrice, est perçu comme profondément dérangeant. Ce qui n’était au départ qu’un acte personnel de résistance devient rapidement une source de conflit familial et social intense, ses proches réagissant avec incompréhension, inquiétude, puis hostilité ouverte.

Lors d’un repas de famille, Yeong-hye est physiquement contrainte par son père autoritaire à manger de la viande. Sa réaction est à la fois choquante et hautement symbolique : elle saisit un couteau sur la table et, devant ses proches stupéfaits, se tranche les veines. Cet événement entraîne sa première hospitalisation, révélant l’ampleur de sa détresse psychologique. Le rejet de la viande se transforme peu à peu en un rejet global de la nourriture. Yeong-hye en vient à se percevoir comme une plante, convaincue qu’elle peut vivre uniquement d’eau et de lumière.

J’ai adoré ce livre pour de nombreuses raisons. N’étant pas familier de la culture coréenne, j’y ai découvert une sensibilité rare dans la tradition littéraire occidentale – faite de spiritualité, de tensions inexprimées et d’une poésie troublante. Han Kang explore avec une maîtrise impressionnante les thèmes de la résistance, de l’identité et des limites de l’autonomie, à travers une narration en apparence simple, mais qui devient progressivement plus étrange et inquiétante. Ce roman m’a profondément marqué et continue de résonner en moi. J’ai maintenant hâte de découvrir les deux autres livres, dans l’espoir d’y retrouver d’autres facettes de l’univers singulier et bouleversant de Han Kang.